I. EnfanceD'aussi loin que lui s'en souvienne, ça a toujours été comme ça.
Les larmes sur ses joues,
La sueur pour enfumer l'air
Et le sang.
Souvent accompagné de bleu et de violet comme des amantes venues caresser la moindre parcelle des corps.
C'était violent, du premier jour au dernier de sa vie.
C'était brutal parce que, tu sais, c'est ça la vie.
De la haine -et probablement pas mal de boisson aussi.

Il est assez difficile de situer à quel moment précisément tout a mal tourné, la raison qui a menée à la déchirure brutale de cette page violemment colorée. Tout ce que l'on est capable de dire c'est que le gamin avait le couteau dans les mains quand les autorités sont arrivées. Qu'il était simplement là, figé et pieds nus dans une marre de sang -et à son visage, tu sais, y avait comme un sourire à peine esquissé, à peine visible. Personne n'y avait d'ailleurs prêté attention alors, au fond, ce n'était peut-être pas si important.

Ça a toujours été comme ça, ouai.
La rue, les coups, le sang, les larmes.
L'orphelinat.
Les fugues à répétition -les punitions qui s'en suivaient.


II. AdolescencePourtant il avait toujours été là, Idris.
Il pansait les plaies, souriait, veillait l'âme écorchée.
Même lorsque les nuits enfermé seul dans le noir abîmait la peau il était là alors tu sais,
Wade l'appréciait un peu.
C'était comme
De l'admiration ou en tout cas quelque chose qui réchauffait le cœur plus que le sang chaud en écho contre l'épiderme. Quelque part à son contact, il y avait tout un nouveau monde qui s'érigeait.
Des éclats de rire et quelques bouteilles.
Souvent ils refaisaient le monde autour d'une bière, clope au bec perchés au-dessus du vide.
Souvent ils finissaient par hurler ensembles et à son tour Wade se faisait phare par-delà les ouragans.

Il faut qu'on parte, Wade.
Y a rien pour nous ici.

Allons-nous en.


III. AdulteTu sais, on dit qu'à Montréal les rêves prennent vie.
Tout ça c'est du bullshit, des paillettes dans les yeux pour attirer les pigeons et c'est à Montréal comme partout ailleurs au final. Les plus forts en haut, les plus faibles qui crèvent.
T'en as d'ailleurs sûrement déjà fait les frais, pas vrai ?
Des coups, de la rue, des éclats de bouteille brisés dans les membres.
C'est gerbant, hein ?
Pourtant, tu sais, tout ce chaos avait quelque chose de beau et Wade souvent, il se tenait là, au-dessus du vide au sommet du monde.
Il observait.
Réfléchissait au prochain mouvement.
Quelle pièce renverser pour gagner la partie ?

Qui sacrifier, dis, pour protéger le roi ?
Le roi n'empêche,
Quel enculé.

Mais ça c'est encore quelque chose qu'il est incapable de changer alors pour l'instant il fait avec.
Et rapidement les rues viennent souffler son nom, verser son sang, venger ses bleus.
Rapidement il devient grand, Wade.
Parce qu'à Montréal désormais les rêves sont la réalité.
Du moins, c'est ce qu'ils disent tous.

Pourtant...

L'an deux mille dix-neuf.
Note laissée au vent le monde s'était éveillé la bague au doigt et tout avait changé.
Le sang,
Les sangs.
La famille.

Brisée cassée en deux séparée la famille.
Car l'un est d'or et l'autre est rouge.
Rouge, rouge, rouge et alors Idris avait apprit que pour se nourrir il devait -boire. Le sang, les larmes qu'importe alors Wade avait décidé.
Le sacrifice pour le profit de tous, ils avaient décidés, tous les deux tu sais, de se nourrir l'un de l'autre.
De ne jamais se séparer.

Wade avait décidé que dans les souffles de rue qui hurlaient son nom, le second serait Idris.
Idris Idris Idris.
Dans l'ombre pour empêcher le feu d'entièrement vriller.

Pourtant.
Rien ne change jamais vraiment.
Sauf le prix à payer qui ne cesse de croître.

Rien qui ne le fera reculer.
Rien de plus qu'un simple contretemps.




Bienvenue sur mon terrain de jeu.