Ça arrive parfois que tu sois simplement là au bon moment. Que le carnage ne soit pas de ton fait et que tu n'en sois qu'un simple spectateur. C'est pas si souvent mais la plupart du temps c'est toujours aussi intense. Alors t'avais quitté ton vis-à-vis des yeux, sourire mutin étiré à tes lèvres quand, du coin de ta pièce, t'as pris le petit hargneux en photo pour l'envoyer à Idris.

Sa tête te dit un truc, tu sais que tu l'as déjà croisé plus d'une fois -vous fréquentez visiblement les mêmes bars après tout. T'as juste oublié son nom. Idris te répond rapidement avec sa fiche complète, tirée des nombreux dossiers constitués au fil des années.

Icare donc.
Golden Scare, musicien, sang chaud.

Le sourire qui s'étire d'avantage.

— On se capte plus tard.

Adressé à l'autre qui ne sourcille pas, habitué à tes changements d'humeur. De toute façon t'es déjà sorti. D'un geste souple tu glisses une cigarette à tes lèvres avant de te mettre à suivre tranquillement le dit Icare qui venait de se faire mettre dehors.

Il prend la direction de ton fief, l'arène -ou de la boîte de nuit, va savoir, les deux sont au même endroit. Puis t'es pas sûr qu'un type comme lui connaisse réellement l'arène. Il a l'air plutôt chétif, ça t'rend curieux Wade.

Parce qu'Icare il a dans ses yeux cette lueur un peu étrange.
Un peu monstrueuse.

— Quoi ? Un problème ?

Ah, grillé.
T'hausses les épaules, souffle la fumée de ta clope.

Vous vous êtes arrêté à quelques pas de la boîte, à une distance raisonnable l'un de l'autre.

— T'as l'air bien sûr de toi.

Étire un sourire mauvais.

— Pour un mec qui manque de potentiel.

Qu'est-ce que t'adore jouer sur les mots putain.

Tu dis rien.
Reste simplement là, à fumer ta clope.
Une taffe, deux taffes.
Il s'approche, grogne.
Il jauge, tu jauges.

C'est marrant comme il a l'air sûr de lui malgré l'écart clair de force entre vous.
Ça, c'est potentiellement la faute à l'alcool mais ça t'arrache un sourire quand même.

Avant de lui souffler ta fumée en plein visage.
Ouai, tu provoques.
Encore.

— J'pense pas.

C'est lâché simplement, comme une évidence.

Clairement vu la tête qu'il fait, t'es clairement la meilleure chose qui lui soit arrivée ce soir.
T'es un peu comme un héro, ça t'fait bizarre mais c'est pas si déplaisant.

Haha.

— Bon.

Jette ta clope terminée d'une pichenette puissante sans plus t'en préoccuper.
Tu préfères de loin ne pas quitter des yeux l'enragé qui te fait face.

— Et si tu m'frappais maintenant, qu'on en finisse tu veux.

Icare.

— Quoi ?

Tu dis rien, encore une fois.
Le laisse s'énerver tout seul, et c'est bizarre mais t'as pas spécialement envie de le frapper.

Pas qu'il te fasse peur non. C'est autre chose.
C'est dans ses yeux.
Tu peux pas t'empêcher de les regarder, ses yeux.
T'as l'impression que ça hurle au fond de toi.

Et...
Tu te souviens, Wade.

La seule personne avec qui s'est arrivé c'est Idris.

— Tu me sous estimes beaucoup trop mec.

Tu lâches un soupir un peu fatigué peut-être.
Y a pas besoin d'être devin pour savoir comment ça va se finir.

Il va commencer par le ventre, parce que vu votre écart de taille c'est le premier endroit où un mec bourré frapperait.
Tiens, tu vois.

Évidemment, comme t'es ni un bleu ni un débile tu vas esquiver en faisant un pas sur le côté. Sur la gauche tiens, histoire de poser une main sur son avant-bras pour bloquer le mouvement. Ça va le gêner mais il va probablement se contorsionner pour te foutre un nouveau coup et tu vas prendre ta deuxième main pour parer.

S'il est malin il va tenter avec les pieds mais tu doutes qu'avec sa force de mouche -toujours comparé à la tienne évidemment- il parvienne à te faire réellement mal alors..

Bon.
Finalement vous allez rester dans cette position comme deux cons.

— Tu vois, qu'est-ce que j'disais.

Tu le relâches pour le pousser en y mettant un peu de force histoire de lui faire perdre l'équilibre vers l'avant. Peu importe qu'il tombe ou pas, tu le frapperas pas de toute façon.

— J'suis sûr qu'tu serais plus intimidant en étant sobre mec.

Ou pas.
Va savoir.

T'irais pas jusqu'à dire que tu connais comme ta poche un mec que t'as décidé de suivre y a dix minutes mais, bon. Y a des moments comme ça ouai, ou quoique tu fasses rien ne va et si t'as pas le contrôle tu fais les choix les plus stupides du monde.
Les plus prévisibles aussi.

Faut dire que tu l'aides pas vraiment non plus à chercher les embrouilles.
Il te le fait remarquer d'ailleurs et la vérité, c'est qu'pour une fois si tu souris c'est même pas par provocation.

C'est juste là, comme ça.
Va savoir pourquoi.

— T'as besoin d'te lâcher nan ?

Il est affalé au sol et toi t'es toujours debout, tes mains à présent dans les poches de ton jean.

— Ou d'arrêter de boire, va savoir.

Haha, t'es sacrément malin Wade.
Tu finis par lui tendre une main pour l'inviter à se relever et à te suivre.

— Aller viens on bouge.

Tu vas l'emmener dans tes quartiers histoire de choper un truc à boire au passage.

Ce mec est bizarre.
Il a une tête de gamin, agit totalement comme un gamin.
Genre, pire que toi tu sais. C'est difficile de faire pire que toi.
Mais le pire dans l'histoire c'est qu'il fait genre alors qu'au final il te suit quand même.

T'en viens à te demander s'il est pas juste complètement débile.

— Ferme-la et ramène toi.

Tu continues en bougonnant, les mains dans les poches tout en marchant.

— Si j'avais voulu t'faire un truc tu s'rais déjà au fond du canniveau débile.

Clairement, il a vraiment de la chance d'être tombé sur toi.
Ou d'avoir eu ce truc là, qu'tu sais pas nommer mais qui t'attire à lui comme un soleil.

Enfin bref.
Vous vous étiez arrêté juste devant la boîte de nuit alors y a pas beaucoup de chemin à faire avant de passer la porte. T'adresses un signe à Idris que tu vois au bar avec Tyana. À elle... Tu lui fais un fuck, avec ton sourire de gosse tu sais, celui qui donne généralement envie aux autres de t'éclater. Une habitude entre vous.

Un peu chien et chat quoi.
Probablement plus chien que chat d'ailleurs mais passons.

Tu prends pas la peine de t'assurer qu'Icare te suive parce que vu son état t'es persuadé qu'il le fera et tu lui ouvres la porte qui mène au sous-sol. Le chemin est éclairé par quelques décos néons, au plafond les tuyaux de cannalisation et au sol du béton. Quelques légères traces de sang s'y retrouvent parfois, comme effacées par le temps.

Au bout de quelques mètres finalement c'est le silence qui se montre, pourtant tu t'arrêtes pas tout de suite. Tu fais encore quelques pas, avance jusque la grosse porte en métal plus loin.
Te pose main sur la poignée, sans ouvrir encore.

— Écoute.

C'est tamisé mais vous entendez ce qui ressemble à des cris et des acclamations de l'autre côté.
Ça t'arrache un sourire satisfait.

— Ah, ils sont chauds ce soir c'est cool.

Puis t'ouvre en grand la porte, prends le temps de t'imprégner de l'ambiance folle qui règne ici cette nuit.
Laisse le temps au gamin de comprendre ce qu'il voit.
Rien d'autre qu'une foule de gens qui hurlent vu sa taille mais il devrait vite comprendre en avançant un peu.

Tu l'invites à te suivre d'un signe de tête.
Vous contournez l'arène pour rejoindre les escaliers qui mènent à ton bureau en haut.

Et plus il prend de la hauteur, plus il voit.
Le grillage qui s'élève tout autour du ring,
Les combattants à l'intérieur,
Le sang, la sueur -il sent.

Toi t'as l'habitude de tout ça, alors tu prends un instant pour regarder avec lui, accoudé à la rambarde.

— T'as la trouille ?

Va savoir pourquoi ça t'met de bonne humeur.